Tous frères ? Au secours !


Liberté, égalité, solitarité


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Le 20 janvier 2019 à 15h


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TEASE-CLICKS

TEASER 1/7

TEASER 2/7

TEASER 3/7

TEASER 4/7

TEASER 5/7

TEASER 6/7

TEASER 7/7

Concept

Chers confrères,

                je vous emmerde et de vous me démerde.

Solitaritairement nôtre

L’autre

NB Variante inclusive : « Lâche-les-moi ! »
NB Variante exclusive : « Lèche-me-le ! »

La manifestation conjugue trois programmes : rapatrier le concept de fraternité dans son giron familial, exfiltrer le concept de solitude de la psychologie et propulser le concept politique de solitarité.

  1. On choisit d’être ensemble, on ne choisit pas d’être frères. Pire que les mariages forcés : on ne peut pas divorcer de son frère. On ne choisit pas toujours d’être ensemble, on peut choisir de rester seul(e). Mieux : on peut épouser à part soi le mouvement du monde.
  2. La politique commence quand / où / si la famille s’arrête.
  3. Laissons à la famille les problèmes de linge sale, réservons à la politique les problèmes de rues sales, d’allergies colossales, de communautés paradoxales.
  4. Le concept de fraternité n’est pas un concept politique. Le politique concerne la gestion de la cité comme communauté d’individus « libres « et « autonomes ». Or, l’esclavagisme est à l'origine de la « famille » (du latin famul, serviteur, esclave). La politique commence en sortant de la maison jusqu’à la place de la cité, c’est-à-dire en quittant la servilité pratique du lien pour l’autonomie théorique du citoyen. La fraternité est donc, en dernier ressort, l’idéologie bourgeoise du maître de maison, trop effrayé de voir son autorité diluée par l’espace solitaire des libertés politiques.

  5. On peut s’attaquer à la situation déplorable ou scandaleuse dans laquelle se trouve quelqu’un sans s’y projeter ou y condescendre. La solitarité, c’est la solidarité sans le miel, le miroir, l’annexion. La ressemblance n’autorise pas le paternalisme, l’empathie, la pitié. Rien n’est inhumain, même pas l’indifférence.
  6. On naît dans une famille, on est dans la cité, on n’est enfin libre qu’à revendiquer / déplorer / sublimer sa solitarité.

  7. Une manif en 3 étapes : du néerlandais samen (ensemble) au serbo-croate sam (seul) en passant par l’anglais same (même).

  8. Solidarité ou solitarité ? Il faut choisir.

    La solidarité tient de l’ingérence : c’est le moi généralisé sous couvert d’universalisme. La solitarité tient de l’insolence : c’est le soi outrancier sous couvert de nombrilisme.

    La solidarité est un chantage, un piège, une menace, une superstition, une drogue et une excuse. La solitarité est une posture, une stratégie, une certitude, un soulagement, un défi et une science.

    La solidarité morale noie l’action dans un bain humanitaire. La solitarité éthique ne jette pas le bébé de l’action avec l’eau du bain humanitaire.

    La solidarité est schizophrénique et invasive. La solitarité est endogène et pacifiée.

  9. Décréter qu’un selfisme honteux préside à la solitarité, c’est comme reprocher à la pesanteur le fascisme de la verticalité.

  10. La politique pue la poudre, pas le stupre.
    La politique relève de l’espace, pas de l’espèce.
    La politique est une affaire de prétendants, pas d’héritiers.
    La politique orchestre la rivalité des hommes libres, pas la fidélité des époux.
    La politique se coltine les hommes prodiges, pas les enfants prodigues.
    La politique délire la tristesse du monde, pas la joie de la consanguinité.
    La politique s’arrête à l’infini, pas à la ménopause.

  11. La solitarité a une valeur politique que la fraternité empêche de penser : que le politique, même primaire (voire primal), commence quand l'humain rencontre le hors-champ familial, quand il se sent solitaire-au-monde. La polis, c’est la communauté des solitaires-au-monde qui, enfin, voient en l’autre autre chose qu’un frère, une sœur, un père, une mère, un même approximatif, un double raté. La solitarité est politique parce qu’elle est l’axiome même d’une égalité des hommes : je ne te dois rien, nous n’avons rien en commun, je suis enfin seul et donc dans mon impouvoir. Et maintenant, que faisons-nous ? Mieux : que ne faisons-nous pas ?
  12.  Si on est tous frères, avec qui on baise ?

ARGUMENTS



Fils de pute ou sale type?

Tous les fils de pute sont fils du même type de mère.

Or sale type n’est guère plus élogieux que fils de pute.

Donc toutes les mères du même type sont sales.

Mais ce n’est pas drôle.

Donc c’est qui ce type qui a écrit ça ?

Un fils de pute, c’est-à-dire un sale type.



Tous frères? Au secours!

Les frères Dardennes : les Pereita-Mayeur du cinéma belge
Les frères Castro : ni socialisme, ni mort
Les frères Farrelly : les frères Far…quoi ?
Les frères Taviani : même pas jumeaux !
Les frères Beyaz, les artistes du verbe faillir
Les frères Bescherelle : Louis-Nicolas éclipsa Henri-Honoré
Les frères Borlée : s'entraînent à Louvain-la-Neuve
Les frères Hazard : savent même pas écrire sans faute
Les frères Mpenza : le vebe mpenzer ne veut rien dire
Les frères Michelin : ne font même pas, ensemble, le poids de Bibendum
Les frères Goncourt : combien de lauréats du prix Goncourt oubliés ?
Les frères Van Gogh : à deux ils n’ont réussi qu’à vendre un seul tableau
Les frères Kouachi : ils ont lancé la mode « Je suis Charlie »
Les frères Van Eyck : les époux Arnolfini ont divorcé
Les frères Taloche : ils en sont pas encore morts
Les Frères musulmans : le pied de nez de Cléopâtre ?
Les frères de sang : ils ne coagulent que pour le pire
Les frères de lait : ils n’ont de frères que le téton
Les frères d’armes : unis dans la mort de l’autre
Les frères ennemis : CQFD
Les frères moines : tonsure et sex-appeal
Les frères Grimm : Perrault n’a pas dû s’y mettre à deux
Les frères Bonaparte : qui connaît Jérôme ?
Marx Brothers : qui connaît Karl ?
Les frères Weinstein : qui connaît Robert ? Voire Bernard ?
Les frères Mario : où est Luigi ?
Les frères Bogdanov : n’ont même pas inventé la bogdanovlangue !
Les frères Coen : rime avec haine ou avec clown ?
Les Trois frères : produits par des inconnus
Les frères Karamazov : pas rigolos et parricides !
Les Frères sincères : inconnus au-delà de Wikipedia
Les frères Lumière : même pas un seul oscar !
Les frères Dalton : voir le lien
Big Brother : celui qui dit qui a la plus grosse…
Blues Brother : ou les frères cafardeux
Warner Bros : savent même pas orthographier brothers comme tout le monde
Brother Bishop, alias Gary Heidnik :
Les frères Wachowski : même plus frères !
Les frères Gallagher : l’oasis ne fut hélas pas un mirage
Benoit et Jean-Pierre Lutgen : un duel provincial et néanmoins fratricide
David et Fabrice Murgia : scandale au Théâtre familiational !
Francis et Marco Gottschalk : cons à tort et damnés à travers
Salah et Mohamed Abdeslam : le cendrier à moitié vide ou à moitié plein
Jean et Pierre Renoir : l’un dirigea l’autre dans 5 de ses films pour mieux lui faire de l'ombre
Pieter Brueghel dit Le Jeune et Jan Brueghel dit L’Ancien : et celui-ci est de quatre ans le cadet de celui-là !
Wilhelm Friedemann, Carl Philipp Emanuel, Johann Christoph Friedrich et Johann Christian III : les 4 Dalton à la cheville de Jean-Sébastien Bach
et
Albert Frère et les Frères Jacques : ne se sont même jamais parlé !
Les Frères Trade : un groupe équitablement nul
Jérôme et Jean Tharaud : c’est à qui était plus antisémite que l’autre était colonialiste !
Castor et Pollux : les frères non désirés de Chronic et Tampax !
etc.
et les frères jumeaux…
Nicolas et Aymeric de Belgique : leur père, et néanmoins Prince, Laurent, les a jugés indignes d’une Fondation
Jarosław et Lech Kaczyński : incapables de monter dans le même avion
José et Jean-Marie Happart : qu’est devenu Jean-Marie ?
Marcel et Gabriel Piqueray : poètes, écrivains et en plus belges !
Damiano et Fabio D’Innocenzo : jumeaux de sperme et Frères de sang



LA SOLITARITÉ EST UNE LUTTE CONTRE LE FAMILIALISME PATER/MATERNALISTE

Si la fraternité supposée naturelle à l’humanité a – cela va sans dire – toujours suscité les solidarités les plus étendues et les plus spectaculaires, elle n’a jamais manqué – familialité oblige – d’y imposer sa conséquence la plus directe, son vice le plus insidieux, son accroche la plus systémique : le familialisme (qu’il s’agisse de son versant paternaliste ou maternaliste). Ce faisant, elle ne manque jamais de confondre l’empathie primitive et spontanée des humains avec ce qui fait le caractère politique du jugement : l’approbation ou la désapprobation du réel tel qu’il se donne, se fait, se choisit, s’arrange.

Dans la foulée du Collectif MANIFESTEMENT, d’autres essais – autant locaux que solitaires – désespèrent dans la même intuition, et collaborent (de près ou de loin) au présent argumentaire :

A.Y.L.A.N. : Association Yiddish de Lutte Anti-Népotisme

S.E.M.I.R.A. : Section Emiratie de la Machine à Interrompre les Réunions d’Agnats

M.A.W.D.A. : Mouvement Altermondialiste des Wallons Décolonisant l’Amitié



Le politique passe à table

Il n’est pas rare d’observer en humanité que les premiers commensaux sont le père, la mère, le frère, la sœur : le repas familial est, pratiquement, la cheville ouvrière de la famille et de sa construction.

« La table déploie l’espace où se dit la famille et où dès lors, d’une certaine manière, elle se fait. » (J.-S. Philippart)

L’anthropologique obsession de lire dans le primal le prisme constitutif, explicatif ou justificatif de tout présent autorise à faire de toutes les expériences familiales de fait, des fonctions sociales d’office. Si bien que la famille est toujours vue et perçue comme le berceau fondamental de ce qui fait d’un homme tel homme, d’une femme telle femme, et – par métonymie éhontée – d’une famille primale telle société terminale.

« Sur le plan anthropologique, la fonction du repas familial consiste notamment à établir une frontière sociale entre un nous et les autres. Par le partage des mêmes aliments et l’obéissance aux mêmes codes, le repas contribue à construire l’identité du groupe en transformant les mangeurs réunis par le maître ou la maîtresse de maison en membres d’une même famille. » (ibidem)

Ainsi, par une fâcheuse illusion d’optique faute de recul, manger en famille devient le nerf du fantasme de toute société ordonnable, sinon ordonnée, à savoir l’intégration. Et la commensalité rejoint la sombre liste des répressions conceptuelles du familialisme ambiant : par psychanalysme, où l’on apprend à jouir en famille ; par religion, où l’on apprend à croire par le père ; par économisme, où l’on apprend à consommer par la domesticité ; par historicisme, où l’on apprend à penser par héritage ; par génétique, où l’on apprend à s’infecter par hérédité ; ad nauseam. Si bien que survivre à l’existence devient une affaire familiale, et ce jusqu’au fondement même de la politique, c’est-à-dire au pouvoir de se distinguer de l’autre.

La liaison entre commensalité et fraternité, aussi ténue soit-elle, suggère à tort que la solitarité est une affaire de famille, qu’elle se découvre primitivement au détour du rôti du dimanche, du verre de vin paternel, de la recette de famille : qu’on apprend à se sentir seul qu’après avoir mangé en commun ou qu’on demande qui va faire la vaisselle. Que la première distinction, la première exclusion surgit au constat cinglant que chaque famille a sa façon de manger : pire, que manger ensemble, c’est déjà être en famille. Joyce lui-même n’en était pas dupe quand il professait que l’exclusion existentielle n’était rien d’autre qu’avoir été « proscrit du festin de la vie » (Ulysse).

Alors, de quelle commensalité la solitarité politique du Collectif MANIFESTEMENT est-elle le nom ?

De l’Amphitryon : c’est-à-dire, à la fois de « celui aux frais duquel on dîne », quand il est nom commun, et de l’incapacité à faire famille, à venger les frères, à consommer le mariage, quand il est nom propre.



Autocritique de la raison fraternelle par Witold Gombrowicz

− Ce n’est pas du tout ce que vous pensez, dis-je naïvement, c’est seulement qu’il fra…ternise.
Constant s’étonna : 
− Il fraternise ? Comment ça, il fraternise ? Que veux-tu dire par « fraternise » ?
Démonté, il me regardait en biais.
−Il fra…ternise ! répondis-je. Il veut fra…fraterniser.
− Il fraternise avec Tintin ? Comment cela, il fraternise ? Tu veux peut-être dire qu’il fait de l’agitation parmi les domestiques ? C’est un meneur ? Un bolchevik, hein ?
− Non, il fraternise comme un garçon avec un autre garçon.
Mon oncle se leva et fit tomber la cendre de son cigare, puis se mit à chercher ses mots.
− Il fraternise… répéta-t-il. Il fraternise avec le peuple, c’est ça ?
Il essayait de nommer le phénomène, de le rendre acceptable sous l’aspect social et mondain ou d’après son expérience : une simple fraternisation entre garçons était pour lui inconcevable, il pressentait qu’on ne servait pas cela dans les bons restaurants. Ce qui l’énervait le plus, c’est qu’à l’exemple de Mientus je prononçais « fra…ternise » avec une sorte de bégaiement timide et honteux. Cela acheva de le renverser :
− Il fraternise avec le peuple ? demanda-t-il prudemment.
Moi : 
− Non, il fraternise avec le garçon.
− Avec le garçon ? Et alors ? Il veut jouer au ballon avec lui ou quoi ?
− Non. Il se sent seulement son camarade en tant que garçon. Ils fraternisent entre garçon et gars de la campagne.
Mon oncle rougit, sans doute pour la première fois depuis qu’il fréquentait les coiffeurs : oh, cette rougeur à rebours de l’adulte expert devant le jeune naïf ! Il sortit sa montre, la consulta et la remonta en cherchant un terme scientifique, politique, économique ou médical pour y enfermer comme dans une boîte une réalité sentimentale et fuyante.
− C’est une perversion ? Hein ? Un complexe ? Il fra…ternise ? C’est un socialiste, peut-être un membre du parti ? Un démocrate, hein ? Il fra…ternise ? Mais qu’est-ce que c’est « il fra…ternise » ? La fraternité, hein, la liberté, l’égalité ?
Il continua en français, mais sans morgue, au contraire, comme s’il recourait à cette langue pour se protéger. Il se sentait impuissant devant le gars. Il alluma une cigarette, l’éteignit, croisa les jambes, tirailla sa moustache.
− Il fra…ternise ? What is that, « il fraternise » ? Que le diable l’emporte. Le prince Séverin…
Avec une douce obstination je ne cessais de répéter « il fra…ternise » et désormais pour rien au monde je n’aurais renoncé à cette naïveté verdoyante et douceâtre dont j’enduisais mon oncle.
− Coco, ne t’énerve pas ! dit avec bonté ma tante, en s’arrêtant à la porte, un cornet de bonbons à la main. Il fraternise en Jésus-Christ, il fraternise dans l’amour du prochain.
− Non ! dis-je, obstiné. Il fra…ternise tout court, tout nu, sans rien.
−Ah, c’est donc bien un vicieux ! s’écria-t-il.
− Absolument pas. Il fraternise sans rien, sans vice non plus, comme un gars.
− Un gars ? Un gars ? Mais qu’est-ce que ça signifie ? Pardon, mais qu’est-ce que c’est « Un gars » ? Comme un gars avec Tintin ? Avec Tintin et dans ma propre maison ? Avec mon petit domestique ?
Il devint furieux et appuya sur la sonnette.
− Je vais vous apprendre, moi, avec votre gars !
Le petit domestique entra. Mon oncle s’approcha de lui, la main levée, et allait lui taper sur la figure d’un coup sec, mais il s’arrêta à mi-chemin, désorienté, troublé, parce qu’il ne pouvait pas frapper, il ne pouvait pas avoir contact avec la gueule de Tintin dans ces circonstances. Frapper un gars parce que c’était un gars ? Le frapper parce qu’il « fraternisait » ? Impossible. Constant, qui l’aurait giflé sans hésitation pour une goutte de café renversée, laissa retomber sa main.
− Va-t’en ! cria-t-il.
− Coco ! s’écria ma tante avec bonté. Coco !
− Ça ne servirait à rien ! dis-je. Au contraire, les coups sur la figure ne font qu’augmenter la fra…ternisation.

(extrait du roman Ferdydurke, 1937)



De quel adjectif la manifestation est-elle porteuse ?

Une manifestation dégagiste ?
Une manifestation christique ?
Une manifestation orthographique ?



Les sous-titres de la manifestation auxquels vous avez échappé




Tous frères ? Même pas...

« Mes frères », disent les religieux, qu’ils soient catholiques, protestants, juifs et musulmans. Les francs-maçons, comme les croyants le disent aussi. Descendants d’Adam et Ève, nous en sommes les enfants, nous sommes frères. Frères de sang par définition biologique. Et comme nous tous frères, il en découle que nous sommes fraternels envers les uns les autres. Nous vivons la fraternité. Or, force est de constater que nous en sommes loin. Il ne suffirait donc pas d’être frères pour être fraternels... Erreur ! La science nous apprend que tous les êtres humains qui peuplent notre terre sont les descendants de… 7 mères ! Nous sommes donc cousins et pas frères, ce qui change tout.



Tous frères ? Et ta soeur ?

Des excitées se sont offusquées du machisme à l’œuvre dans la fraternité, substantif pourtant joliment féminin. Et de dégainer (gaine et vagin sont étymologiquement apparentés) à la place l'adelphité. Or le mot est absent des meilleurs dictionnaires. Donc nous ne parlons ici que de frères. D’ailleurs « Toutes sœurs ? Au secours ! » évoquent une tout autre image…

Cet éloignement génétique nous amène à de devoir décider nous-mêmes de la nature de nos relations que nous souhaitons avoir avec les autres.  Décider d’être solidaires ou pas plutôt que d’être frère et névrosé face au dictat de fraternité. D’être cousin éloigné plutôt que frères de nulle part.



Un cercle vicieux

« La culpabilité ne suit pas l'acte, voire l'engendre. » (Sigmund Freud) Et si l'empathie ne précédait pas l'acte mais engendrait la culpabilité ? Et si c’était l’inverse ? Ça ne changerait rien au nœud dans lequel s’étrangle forcément la solidarité fraternelle.



Dystopie solitariste : attention !



Label et la bête humaine




Solitarité : la preuve par la logique

L'imparable preuve par le PDF.



LES dalton détonnent



solitarité : la parallaxe évolutive



cherchez l'intrus !



Fraternité (même pas) au paradis


À l’heure du grog, [Jacques] Derrida, invité par [Emmanuel] Levinas, s’adresse à lui en ces termes :

Derrida [cauteleux] : Mais tu ne comprends pas, Vivi ! Jean-Luc [Nancy] voudrait croire à la fraternité. Moi aussi, d’ailleurs, je voudrais bien y croire ; il y en a un en moi qui voudrait bien y croire mais un autre, voilà, qui ne me ressemble plus comme un frère et qui n’arrive pas y croire, et qui croit même, à la réflexion, à l’expérience, qu’il vaut mieux ne pas y croire, non seulement mais surtout en politique.

Levinas [accrochez-vous] : Tu y vas un peu fort, Jacky. Après tout, dire « tu », c’est le fait premier du Dire. Tout Dire, en effet, est discours direct ou partie d’un discours direct. Le Dire est cette rectitude de moi à toi, cette droiture du face-à-face, droiture par excellence de la rencontre. Droiture du face-à-face, un « entre-nous », déjà entre-tien, déjà dia-logue, et ainsi distance et tout le contraire du contact où se produit la coïncidence et l’identification. Mais c’est précisément la distance de la proximité, merveille de la relation sociale. Dans cette relation, la différence entre moi et l’autre demeure. Mais elle se maintient comme niant, dans la proximité qui est aussi distance, sa propre négation, comme non-in-différence de l’un pour l’autre. Comme la non-indifférence entre proches. Être concerné par l’altérité d’autrui : fraternité. Nancy ne s'y trompe pas.

Derrida [furibard] : Eh bien voilà, nous y revoilà ! Tu es aussi sot que l’autre ! Toutes les politique, tous les discours politique de la “naissance” abusent de ce qui ne peut être à cet égard qu’une croyance. Tout ce qui dans le discours politique en appelle à la naissance, à la nature ou à la nation - voire aux nations ou à la nation universelle de la fraternité humaine-, tout ce familialisme consiste à re-naturaliser cette « fiction ». C’est ce que j’appelle la « fraternisation », c’est ce qui produit symboliquement, conventionnellement, par engagement assermenté, une politique déterminée. Celle-ci, à gauche ou à droite, allègue une fraternité réelle ou règle la fraternité spirituelle, la fraternité au sens figuré, sur cette projection symbolique d’une fraternité réelle ou naturelle. Et c’est pourquoi, tout ce qui s’appelle ici démocratie (ou aristodémocratie) fonde le lien social, la communauté, l’égalité, l’amitié des frères, l’identification comme fraternisations dans le lien entre ce lien isonomique et le lien isogonique, le lien naturel entre nomos et phûsis, si l’on veut, le lien entre le politique et la consanguinité autochtonique. C’est aussi un lien entre un constat (théorique ou ontologique) et un engagement performatif (promesse, serment, fidélité aux ancêtres mort, etc.) Ce lien entre les deux liens, cette nécessité a priori synthétique si on peut dire, noue ce qui est à ce qui doit être, il oblige, il rattache l’obligation au lien dit naturel de la naissance ; c’est le devenir obligatoire d’une loi.

Levinas [tentant de calmer Derrida] : Mettons. En-dehors de toute considération d’ordre philosophique et politique, toi et Nancy, vous êtes encore amis, non ? Le dialogue n’est pas fermé. Lui-même est prêt à en reparler (une fois qu’il aura décidé de clampser).

Derrida [déconstruit] : Ami ? Lui et moi ?

Levinas [sic] : Oui...

Derrida [citant Aristote sans le citer] : Ami, je n’ai pas d’ami.

Levinas [dé-visagé] : Bref, autant pisser dans un violon, tu iras, à leur manif ?

Derrida [triomphant] : Au paradis, manifestement !

POUR EN SAVOIR PLUS…

 

Jacques Derrida, Politiques de l’amitié, Galilée, 1994 ; Voyous, Galilée, 2003.

Emmanuel Levinas, Altérité et transcendance, Fata Morgana, 1995.

Jean-Luc Nancy, Le Sens du monde, Galilée, 1993.

 

 



Le fratricide, libérateur ?

Suffit-il de tuer son frère pour s’affranchir ?

« L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn. »
Victor Hugo, La conscience, La légende des siècles.

 

"(1) Le premier augure fut, dit-on, pour Rémus : c'étaient six vautours; il venait de l'annoncer, lorsque Romulus en vit le double, et chacun fut salué roi par les siens; les uns tiraient leur droit de la priorité, les autres du nombre des oiseaux (2) Une querelle s'ensuivit, que leur colère fit dégénérer en combat sanglant; frappé dans la mêlée, Rémus tomba mort. Suivant la tradition la plus répandue, Rémus, par dérision, avait franchi d'un saut les nouveaux remparts élevés par son frère, et Romulus, transporté de fureur, le tua en s'écriant : "Ainsi périsse quiconque franchira mes murailles." (3) Romulus, resté seul maître, la ville nouvelle prit le nom de son fondateur. Le mont Palatin, sur lequel il avait été élevé, fut le premier endroit qu'il eut soin de fortifier. Dans tous les sacrifices qu'il offrit aux dieux, il suivit le rite albain; pour Hercule seulement, il suivit le rite grec tel qu'Évandre l'avait institué."

Tite-Live, Histoire de Rome, Livre 1, VII

Caïn tue son frère Abel. Poursuivi inlassablement par l’œil de Dieu, pire qu’un bracelet électronique, il fonde néanmoins la première ville, donne naissance aux coutumes et à la civilisation grâce à une descendance nombreuse (Livre de la Genèse, Gn 4,17-24)

Romulus tue son jumeau Remus, avec qui il avait fondé Rome. Il donne son nom à la ville, en devient l’unique roi et institue la lignée des rois romains.

Une mort précoce ne favorisant pas une abondante descendance, force est de constater que c’est le survivant, le criminel, qui devient père et patriarche.

Longtemps, dans les familles régnantes, l’assassinat des frères était une étape obligée, pour assurer une succession sans heurts. Dans l’empire Ottoman, le fratricide est érigé en loi de succession[1].

Quelle conclusion en tirer ?

On eût pu voir dans le fratricide un acte de révolte, d’émancipation. Une libération de la fratrie, de la famille, du clan, de la tribu, du peuple ; du poids des coutumes, des lois et des institutions. Et pourtant force est de constater que non, bien au contraire, puisque le fratricide semble le plus souvent être à l’origine de la fondation de nouvelles autorités et pesanteurs, et non de leur subversion.

Tout prince fut-il, celui qui élimine ses frère au décès du roi son père et ainsi s’accapare du pouvoir ne s’affranchit pas d’un ordre ; il en prend la tête, par droit de filiation ; il le confirme, le perpétue ; donc il y consent, même si c’est comme princeps.

D’un simple point de vue géométrique, on constate que tuer son frère diminue l’horizontalité pour renforcer la verticalité de l’arbre généalogique, favorise donc le poids et la hiérarchie au mépris de l’égalité.

Le fratricide est un acte conservateur, politiquement de droite.

Le parricide est son contraire, casse la verticalité, subvertit le principe d’autorité naturelle et d’héritage par succession.

Animés de notre sensibilité libérale viscérale, il nous faut donc recommander le parricide plutôt que le fratricide.

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[1] « Au sommet du système politique se trouve le sultan. Compte tenu de la polygamie et des très nombreuses fratries ou demi-fratries issues des harems, la succession est réglée de manière sanglante : le fratricide est institutionnalisé par décret sous Mehmed II. En effet, comme le droit turc ne reconnaît pas la primogéniture, le sultan a son avènement doit massacrer tous ses frères ou demi-frères. Chaque changement de règne provoque de violents conflits de successions, auxquels participe activement le corps des janissaires. Le sultan est un monarque universel élu de Dieu. Il est obligatoirement choisi dans le clan turc des osmanli.» Wikipédia, Organisation de l’Empire ottoman, https://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_de_l%27Empire_ottoman

 



Illustration pédagogique (et donc trompeuse) :




la solitarité est un concept pacifiste :


Parce qu’ils ne sont pas « frères » et ne sont donc pas susceptibles d’être jugés indignes d’un même « père » ou taxés de privilégiés par un même « père », il n’y a, entre les hommes et les pandas, point de haine, de jalousie, d’intolérance, de mépris, de dégoût, bref de guerre, possible. C’est cela, aussi, que dit la « solitarité » : pour ne pas être une chronique foire d’empoigne, le genre humain a un intérêt stratégique à ne pas se penser comme une « famille ».



Hymne

Le chant des solitaires (sur l’air bien connu du Chant des partisans )

Famille, nous crois-tu quand on dit dans un rire qu’on t’enterre ?
Famille, ressens-tu les entraves des cordons qui t’enserrent ?
Ohé, solitaires, collectifs d’esseulés, c'est notre heure.
Ce soir la fratrie connaîtra sa nouvelle fin : elle a peur.

Quittez la cuisine, rejoignez la mutine escapade !
Sortez des promesses du pater familias : rigolade !
Ohé, la génétique et les enfants, les aïeuls, ça m’dépite !
Ohé, même les sœurs et les femmes de nos frères : dynamite!

Solitarité, c’est la nouvelle idée qu’on accepte,
"Peuple" et "famille", c’est une loi d’héritage qu’on débecte.
Il y a des politiques qui politiquent sans sortir du bercail ;
Ici, nous, vois-tu, nous on s’oblige à s’extraire du bétail.

En deux-mille-dix-neuf, le vingt janvier un dimanche à Bruxelles, 
De fieffés malins s’émancipent des lois de Machiavel ;
Demain, le vingt-et-un, foi d’orphelins, du vingt-deux s’ra la veille ;
Et leur grand soir devra reculer devant le rire bleu du soleil.

SLOGANS


TÉLÉCHARGER LES SLOGANS À CRIER : ici


Il faut certes une plume de génie pour faire rimer solitaire et politique. Fernando Pessoa l’a dégainée pour écrire son unique et non moins magistrale fiction, Le banquier anarchiste.

Envoyé par John Gif, depuis la Boston Graphic School For New Americans :

Le frère de mon frère est mon frère.
Le demi-frère de mon frère est mon demi-frère.
Le frère de mon demi-frère est mon demi-frère.
Mais le demi-frère de mon demi-frère n’a aucun lien biologique avec moi.
Seulement un lien politique.
CQFD

On quitte sa famille, non pour découvrir la société, mais pour faire de la politique.

En d’autres termes :

ceux qui mécomprennent le cri de solitarité primal, qui sont fiers d’être nés quelque part et/ou qui disent « Toutes des putes, sauf ma mère ! » sont les mêmes (cons).

Comme la bravoure est virile et la bravitude utéro-clitoridienne, la solitarité est politique et la solitude psycho-romantique.

On naît seul, puis se retrouve au centre d’une fratrie : la solitarité précède la solidarité.

On quitte sa famille, non pour découvrir la société, mais pour faire de la politique.

Ceux qui mécomprennent le cri de solitarité primal, ceux qui sont fiers d’être nés quelque part et ceux qui disent « Toutes des putes, sauf ma mère ! » sont les mêmes (cons).

Au contraire de leur jeune rival, la « solitarité »,
le vieux concept de « fraternité » et son acolyte, la « solidarité », ne peuvent subsumer
l’élan de révolte contre le gâchis
(potentiels ruinés, merveilles abolies, richesses dévastées, vies brisées, diversités diminuées, destins étêtés)
qui se décline
– indifféremment ou complémentairement –
en venant en aide aux sans-abris, en luttant pour le climat, en recyclant ses déchets et/ou faisant un don au WWF.

Ceux qui entendent "individualsime" dans "solitarité" seraient bien avisés de consulter !

La borne sied très bien entre les champs de deux frères. (Proverbe basque)

Colère de frères, colère de diables. (Proverbe danois)

Méfiez-vous des rimes super riches : « cité » et « domesticité » sont antagonistes.

L’autre est parfois un con, jamais un confrère.

Le corps frère et l’âme sœur sont dans un bateau. Leur union tombe à l’eau. Qui reste à bord ? La question.

Fin du « délit de solidarité » : ouf !

Fin du « déni de la solitarité » : quand?

La solitarité a son fondement anthropo-primato-socio-biologique : « Aucun autre être social n’est capable de se sentir ’’seul’’ même lorsqu’il est entouré par des personnes familières, membres de sa propre espèce. » (Sarah Blaffer Hrdy) Ne lui manquait plus que sa page Wikipedia.

« L’humanité ne m’intéressait pas, elle me dégoûtait même, je ne considérais nullement les humains comme des frères. […] Pourtant, en un sens déplaisant, je devais bien le reconnaître, ces humains étaient mes semblables, mais c’est justement cette ressemblance qui me faisait les fuir. » (Michel Houellebecq). T’en fais pas, Michou : « Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi » (René Char)

Ne nous rejoignez pas à la manif : venez-y tous en solitaires !

Dégénérons ces congénères de frères !

« Tous frères ! » la politique, c'est l’art de vivre-ensemble
« Tous autres ! » la politique, c'est l’art de se foutre la paix

« tous frères » = «  tous fils de… »
« fils de… » = « fils de pute »
or « toutes des putes, sauf ma mère »
donc « t’es pas mon frère... ou je te casse la gueule »

« mon frère » = « mon prochain »    les conflits intestins
« l’autre » = « le lointain »    les antagonismes politiques

L’abbé Pierre est un des signataires de l’Appel du Collectif Fraternité.
L’abbé Pierre a fini par mourir.
L’abbé Pierre n’est pas une pub pour la fraternité.

« Avoir commis tous les crimes hormis celui d’être père. » (Cioran, De l’inconvénient d’être né, 1973)
« Avoir commis tous les crimes hormis celui de voir des frères partout. » (Collectif MANIFESTEMENT, De l’inconvénient d’avoir toujours raison, 2019)

« Après tout, la fraternité n’est pas une idée révolutionnaire. » (Alvarao de Campos)
Avant tout, la fraternité n’est pas une idée, au mieux un sentiment.

« L’on hait avec excès lorsque l’on hait un frère. » (Jean Racine)

« Que tous les hommes soient frères, c'est le rêve des gens qui n'ont pas de frères. » (Charles Chincholle)

« Je n’ai pas de frère, ni de semblable, fût-il lecteur, hypocrite ou non. » (André Stas)

« Jamais et nulle part la famille n’a été le fondement de la société. » (Maurice Godelier)

« C’est clair, maintenant ? Faudra vous le répéter combien de fois ? On peut passer à la manif suivante ? » (Roberto D'Orazio)

« Vu sous l’angle de l’altruisme ou de la solidarité - cet altruisme de gauche - le sentiment d’égalité marche la tête en bas. Qu’est-ce d’autre que l’angoisse commune aux sociétaires isolés, humiliés, baisés, battus, cocus, contents, l’angoisse de parcelles séparées, aspirant à se rejoindre non dans la réalité mais dans une unité mystique, n’importe quelle unité, celle de la nation ou celle du mouvement ouvrier, peu importe pourvu qu’on s’y sente comme dans les soirs de grandes beuveries ’’tous frères’’ ? L’égalité dans la grande famille des hommes exalte l’encens des mystifications religieuses. Il faut avoir les narines obturées pour ne pas s’en trouver mal. » (Raoul Vaneigem, Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations)

Tous unis contre les agglomérats d’office, les amoncellements imposés et les accumulations déterministes : rejoignez la manif de la solitarité !

Frères ennemis est la première œuvre de Jean Racine. 
Et après, d’aucuns s’étonnent qu’il ait écrit des tragédies et jamais des comédies !

Le frère de mon frère est mon frère.
Le demi-frère de mon frère est mon demi-frère.
Le frère de mon demi-frère est mon demi-frère.
Mais le demi-frère de mon demi-frère n’a aucun lien biologique avec moi. Seulement un lien politique.
CQFD

−« La fatigue est le chemin le plus court vers l'égalité et la fraternité − et durant le sommeil la liberté finit par s'y ajouter. » (Nietzsche)
− Arrête ton char républicainement gnangnan, Friedrich ! Et va te coucher. La fatigue est lisiblement le chemin le plus court vers les pensées connes, trop connes.

La preuve que le "Collectif MANIFESTEMENT" échappe aux émois fraternels :
il a failli s’appeler "MANIFESTEMENT pas Collectif". Et pourtant il tourne.

Variante : Le chef d’orchestre se sent très seul et tous se sentent chefs d’orchestre. Et pourtant ils s’amusent.
Variante : Le Collectif n'est pas une Famille. Et pourtant les pièces rapportées y sont aussi le plus souvent inopportunes.

Tous frères… et c’est ça le problème.

La famille est l’unité préalable par excellence. Or, « la fraternité-terreur comme véritable rapport d’intériorité entre les membres du groupe fonde sa violence et sa force coercitive sur le mythe de la nouvelle naissance ; elle définit le traître comme le mal absolu dans la mesure même où elle le détermine comme l’homme qui a détruit l’unité préalable. » (Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique). Cultiver le concept politique de fraternité est donc une grosse (t)erreur.

Présomption de culpabilité biologique : « Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. » (Jean de La Fontaine)

Présomption d’innocence politique : Si ce n’est toi, va en paix. (Code Napoléon)

Albert Frère a préféré mourir avant la manifestation. CQFD

DOMMAGES COLLATéRAUX


Le Canard en parle déjà :

Charlie Hebdo en parle déjà :


Siné mensuel en parle déjà :



Les bons écrivains en parlent déjà :


La Bible en parle déjà :


Les lycéens en rêvent déjà :


Les humanitaires œcuméniques, par contre... :



La bourge, par contre... :


Le pape, par contre... :