Vivons (f)utiles, soyez objets!
A-t-on jamais vu un objet se suicider?
A-t-on jamais vu un robot avoir ses règles?
A-t-on jamais vu un outil rougir de honte?
Le 21 janvier 2018, départ au carrefour rue de la Tulipe - rue Sans Souci, à 15h
Concept
Pour ne plus être tristes / fâchés / vexés / blessés / indignés / etc.: soyons objets!
« Le concept de sujet, qui n’est pas une sotte idée en soi, a le vilain plaisir de monter à la tête des plus existentiellement fragiles et/ou des plus ontologiquement émotifs. C’est donc le principe de précaution appliqué à la catégorie philosophique de sujet qui a présidé à la manifestation Vivez (f)utiles, soyons objets ! du Collectif MANIFESTEMENT. Il leur a fallu passer outre l’habitude d’accorder une confiance aveugle à tout ce dont on tire un bénéfice immédiat. Gloire à eux ! »Anne-Claire Norot
« Le Collectif MANIFESTEMENT dégage le sujet »
Les Inrocks, 17 janvier 2018
« [La] force [de l’empirisme] commence à partir du moment où il définit le sujet : un habitus, une habitude, rien d’autre qu’une habitude dans un champ d’immanence, l’habitude de dire Je… »Gilles Deleuze et Félix Guattari
Qu’est-ce que la philosophie ?
Paris, Minuit, 1992
Le mot «objet» est linguistiquement nettement mieux connoté que le mot «sujet»:En effet, parmi les 66 synonymes du mot «sujet», dans le dictionnaire de l’université de Caen (Crisco), on trouve: affabulation, assujetti, astreint, chose, cobaye, dépendant, exposé, gouverné, inférieur, malade, obligé, problème, question, soumis et subordonné. Parmi ses antonymes, on lit: autonome, citoyen, despote, gouvernement, souverain.
Le mot «objet» n’a que 29 synonymes, parmi lesquels on trouve: agent, ambition, but, cause, concept, corps, dessein, intention, lieu, substance, réalité et solide.
Tous deux sont synonymes de «matière».
«Objectif», s’agissant d’un jugement, est positif. «Subjectif» est presque toujours négatif, ou du moins instable, relatif, susceptible de changer n’importe quand.
N’est-ce pas précisément parce que cette flexibilité du sujet est devenue pour nous intolérable? En d’autres termes, le sujet ne gagne-t-il pas sa dignité, à tout le moins la sécurité de la permanence, à se faire objectif?
D’où vient, alors, que nous soyons à ce point attachés à notre subjectivité, au point de se confondre avec elle? D’où vient que nous trouvions infamant et indigne d’être réduits à l’état d’objet, «instrumentalisés», «abusés»? Les neuroscientifiques et les comportementalistes révoltent, qui semblent réduire notre individualité, notre psyché, notre «identité», à des procédures, des schèmes répétitifs, des fonctions stimulus-réponses, des feed-back ortho et parasympathiques, des déficits ou des excès en neuromédiateurs, récepteurs dopaminergiques ou sérotoninergiques... toutes choses que ces spécialistes prétendent pouvoir compenser, ou même guérir, par de la chimie ou un peu de reprogrammation, comme on reboote un système défaillant, comme on installe ses mises-à-jour. Qu’est-ce donc qui se révolte en nous? C’est l’idée que nous ne serions que la conséquences de chaînes causales sur lesquelles notre subjectivité n’aurait aucune prise, ou que notre subjectivité elle-même ne serait que le résultat de cette chaîne.
La souffrance de l’homme-sujet est liée à son incapacité, à son refus ou à son impossibilité d’exister seulement en tant qu’il est lui-même objet de quelque chose: on n’est cause de soi-même que dans une causalité qui nous précède et nous dépasse, dont je est l’objet. C’est quand il n’est que cela, objet, qu’il souffre dans sa subjectivité. Il conserve sa subjectivité d’être sensible, affectable, même en étant objet de logiques et de causalités qui le dépassent, mais sans pouvoir être autre chose que sujet souffrant, devenu pure instrumentalité.
Être un objet nous révolte, mais il n’y a que le sujet qui souffre.
A-t-on jamais vu objet se plaindre?
La sociopsychologie (discipline vouée, par le succès de notre action, à la disparition) nous apprend qu’un travailleur a besoin, avant tout, d’être utile, ou de se sentir utile. Avant même de prétendre au sens (de son activité, de son emploi, de sa vie), le travailleur entend qu’on l’utilise. Tout l’y enjoint. Qu’importe si ça nous déçoit, si l’on s’attendait à trouver en l’homme des aspirations plus hautes, spirituelles, transcendantales. Non: l’homme veut être utile et, même, il s’en contenterait.
L’outil humain souffre si on le casse ou si on le case, si on le surmène ou si on le démène (licencie, désengage, débauche).
D’où vient donc qu’il souffre? C’est que le travailleur, même utile ou utilisable, est aussi un sujet. Et un sujet, ça souffre.
A la lettre, le sujet est la possibilité même de l’épreuve d’une souffrance, même si elle est entendue dans sa neutralité et son impassible «je sens, j’éprouve».
Un objet, ça ne souffre pas.
Même délaissé, l’aspirateur ne gémit pas (surtout délaissé). C’est heureux (à en juger par l’accumulation de moutons sous nos matelas, qui ne bêlent pas, tandis que ses ressorts, eux, gémissent parfois). Jamais un marteau ne s’est pendu : être instrumentalisé n’a jamais été son abîme, bien au contraire, il s’agit de son acmé.
Un outil est un objet fonctionnel, dont on peut se servir, qu’on peut utiliser, employer. Il reste cet outil, même recouvert de poussière sur son râtelier. L’homme-outil, ouvrier ou employé (même débauché), n’est plus rien quand on ne s’en sert plus : il devrait rester l’homme, mais sa subjectivité s’épuise en même temps que sa fonctionnalité, dans l’indignité d’être ainsi dépourvu de son essence objectale. Alors il souffre et réclame à corps et à cri ce droit inscrit dans la constitution: qu’on l’emploie! Ô perfidie d’un double standard insurmontable, qui fait du sujet l’impossible objet, et de l’objet l’horizon du sujet : elle subordonne la subjectivité à l’objectalité. Simultanément, la morale nous l’interdit, si bien qu’on le vit comme abjection. Le sujet s’impose alors dans sa violence: comme répression.
Utiliser l’autre pour assouvir des pulsions ou des désirs, c’est, nous dit la psychanalyse (discipline vouée, par le succès de notre action, à la disparition), de la perversion. Elle ajoute: à revers du surmoi hypernormatif (y siège la morale elle-même), nous agissons tous au sein de cette composante perverse. Les Églises nous apprennent que c’est mal, ou que c’est là leur rôle à elles, exclusivement : elles ne tirent en effet leur légitimité et leur pouvoir que de la subjectivité «spirituelle» qu’elles supposent chez tous leurs fidèles et imposent à tous leurs bigots. Nous apprenons alors combien instrumentaliser autrui est contraire à toute morale. Nous apprenons qu’être l’instrument du plaisir ou du désir de l’autre est indigne. Dans le même temps, nous voulons servir et qu’on nous serve.
Il faut dé-moraliser les deux notions. Il n’y a rien d’indigne à être objet, et rien de mal à objectiver (réifier, utiliser, instrumentaliser, employer) l’autre: n’en deviendrait-il pas utile? Ne répondrait-on pas à son besoin primaire? Et quelle jouissance! Car on jouit de l’autre, c’est mieux que tout seul. Pourtant, dit-on, on ne saurait être à la fois objet et sujet. C’est sujet qu’il faut être! Mieux, l’homme n’est bon qu’assujetti. Or, on n’est objet qu’à la condition de perdre sa subjectivité souffrante, et sujet qu’à la condition de ne servir, sinon à rien, du moins à rien d’autre qu’à utiliser l’autre en le réifiant (ce qui n’est déjà pas mal, mais on nous apprend que c’est mal).
La prostituée est le modèle de l’homme-outil. Prostitution vient du latin prostituo, qui signifie simplement placer devant, montrer, exposer aux yeux, étaler (pour vendre); or, ob-jecto signifie littéralement «ce qui est jeté/placé devant». La prostituée, comme concept ou archétype, n’est-elle pas la femme-objet (ou l’homme-objet, c’est la même chose)? Se prostituer, c’est accepter d’être privé de sa liberté et d’une part de sa vie contre rétribution, accepter d’être utilisé et exposé contre de l’argent ou des moyens de subsistance. Qui ne l’a jamais fait? Est-ce évitable? On nous apprend qu’en vertu de cette ob-jectalité, la prostituée souffre. Disons même: il faut qu’elle souffre! La morale le commande. Qu’en sait-on? La prostituée peut ne pas souffrir qu’on l’utilise. Enfin, précisément: si elle le souffre, alors elle n’en souffre pas. C’est qu’elle n’est pas atteinte dans sa subjectivité.
Où souffre-t-on ailleurs que dans sa subjectivité? Nulle part.
A-t-on jamais souffert plus qu’aujourd’hui, au point que plus rien ne peut se dire qui ne vexe quelqu’un, au point que plus grand chose n’est politiquement correct et que, si l’on peut rire de tout, c’est avec personne, à condition de chuchoter? Partout, tout le temps, on porte atteinte à des dignités.
Pendant ce temps, les casseroles, elles, elles se poêlent.
A force de croire qu’il serait indigne d’être un objet privé de subjectivité, on souffre de cela même qui nous épargnerait enfin la souffrance du sujet. Et quand on nous prive de notre utilité d’objet, qu’on redevient sujet, on souffre de n’être plus utile à rien, et on culpabilise en outre de jouir de l’autre, qu’on emploie. On souffre donc tout le temps. Il suffit de faire l’inverse: Jouissons d’être objet, puisque c’est digne. Jouissons d’être sujet, puisque c’est bon.
Nous disons: l’objet qui a perdu sa fonction est honoré. Il accède, par cette perte, au statut d’antiquité ou d’œuvre d’art. Ainsi, le porte-bouteille de Duchamp ou le fer à repasser sur la cheminée. Ils accèdent à une autre fonction, d’un autre ordre, qui est justement de ne servir à rien. Le nirvana des objets, c’est perdre sa fonction, sans accéder pour autant au statut de sujet. Nous doutons que les bouddhistes eux-mêmes le puissent. Ce Néant-là n’est pas pour nous.
La pire des damnations serait de n’être que sujet, réduit à la sensation et à la souffrance, sans jamais être utile à quoi que ce soit, ou bien de n’être qu’objet, destiné à servir à la jouissance de l’autre, sans jamais éprouver «soi-même» quoi que ce soit. La prostituée n’est pas que femme-objet ou sex-toy. Elle est aussi une subjectivité qui ressent, qui éprouve. Mais pas simultanément: alternativement. Elle ne peut pas être simultanément objet et sujet, sauf à être dissociée ou peut-être schizophrène. Son client se trouve, lui, dans l’illusion d’une relation intersubjective (sauf quand il serait pervers, au sens pathologique du terme). La prostituée peut feindre de lui faire part de sa subjectivité, ou elle peut ne s’offrir qu’(en) objet. Elle exerce sa liberté d’être ou ne pas être sujet, objet : en d’autres termes, elle s’autorise cette élasticité fondamentale de la duplicité. N’être jamais que pur objet est aussi indésirable qu’être toujours pur sujet: selon l’intensité du pôle où s’éprouve la peine, il faut ruser. Bien-sûr, le prostitué n’est pas le seul à ruser : le fidèle s’y applique, l’élève s’y adonne, l’employé s’y attache, le SDF s’y emploie, le curé s’y vautre, le militaire s’y voue, le philosophe y cède, l’ouvrier s’y consacre, le chômeur s’y livre, le migrant s’y abandonne, etc. C’est dans l’oscillation de l’un à l’autre, sans terme médian, sans autre alternative que l’un ou l’autre de ces états, qu’on trouvera la jouissance pleine et entière de ces conditions. Soyons tous les escort les uns des autres, les sextoys les uns des autres. Jouissons d’être utile à la jouissance de l’autre. Rusons. Puisqu’il nous le rendra.Dans nos sociétés robotisées, le «bore-out» s’est substitué au burn-out. Le burn-out était la maladie de l’homme-outil qu’on a usé, qui a cassé à force de trop servir. Le bore-out est la maladie de l’homme-outil qu’on délaisse, parce qu’il ne sert plus, alors on le met dans un placard. L’expression «tu sers à rien!», chère aux adolescents des années 10, est devenue l’insulte suprême, lors même que «fils de pute!» est devenu hommage.
ARGUMENTS
De quoi l’objet est-il le sujet ?
De la première personne.
De sa majesté.
De notre réflexion.
De ma thèse de doctorat « Prolégomènes à toute liberté future » (sic) inachevée faute d’humilité.
De quoi le sujet est-il l’objet ?
Du nom.
Du désir.
De ta sœur.
De toute mon attention charitable pour les croulants sous le joug de l’idée qu’ils se sont faits d’eux-mêmes.
De quoi cette manif est-elle le projet ?
De l’objectivité joyeuse.
D’une vie au survol des pâquerettes.
Du Collectif MANIFESTEMENT.
De l’existence sartrienne.
De l’être-là là là là là là là, et Margot qu’était simple et très sage présumait qu’c’était pour voir son chat qu’tous les gars, tous les gars du village étaient-là là là là là là là là, étaient-là, là là là là là là, etc.
De quoi le sujet est-il l’abject ?
De sa réflexion dans le miroir.
De l’objet mal dans son emballage.
Du cancer hypocondriaque.
Du phénoménologue orgueilleux et néanmoins propriétaires des œuvres complètes de Husserl sous blister.
Le chômeur mérite-t-il d’exister, puisqu’il ne sert à rien ? Pire, il coûte. Lui-même, s’il est honnête, se rendra compte du vide immense et de la charge qu’il sera devenu.
Il n’est toléré que dans la mesure où sa condition serait provisoire ; dans la mesure où il trouverait bientôt à être employé. Ou s’il arrive à sublimer son inutilité comme repoussoir à la paresse, auquel cas il aura une utilité dérivée.
Exister sans emploi, sans utilité, être sans objet est une malédiction, une mort objective. L’être non objet est une erreur du système, une enveloppe sans contenu, un fantôme, voué à disparaître pour retrouver l’harmonie et la quiétude des objets.
Une société ne fonctionne que si chacun devient objet.
L’être non objet n’a qu’une durée de vie limitée. Soit qu’il mette lui-même fin à son existence sans objet, soit qu’il joue jusqu’au bout son rôle de bouc émissaire, soit parce qu’il ne se reproduira plus.
Si son revenu permet au travailleur de s’entretenir et de reproduire la force de travail qu’il est ; si le revenu est au niveau de la valeur d’usage du travailleur ; alors le travailleur inutile et sans usage ne sait pas se reproduire.
[No stress, ] dans un « marché parfait » [fantasme de l’idéologie néo-libérale ambiante] où le revenu de chacun est intrinsèquement le reflet de son utilité, le surnuméraire disparait automatiquement, [en crevant ou en retrouvant un emploi, fût-ce un emploi du temps socialement valorisé (travail, bénévolat, etc.). L’inutilité, le non-emploi disparaissent. Avènement radieux de la société de l’emploi.
Où l’on constate que la prétendue résilience du sujet n’est que l’élasticité de son objet. Et l’artiste un prêtre.
Que le sujet reprenne forme après déformation n’importe qu’à lui, et encore faut-il qu’il ait une forme, puisqu’il est supposé privilégier (et donc toucher) le fond. Qu’un sujet ayant perdu son affectation puisse rebondir pour en trouver une autre, qu’il reste objet même s’il se transforme, c’est ce qui permet de le voir encore, puisqu’on ne voit, sent, palpe que des objets.
S’il s’agit de rester dans le spectre du perceptible (visible, odorant, palpable) : le sujet est le spectre, le perceptible est l’objet. Le perceptible étant vendable, l’objet est toujours marchandise, le sujet le marchand, ou le chalant, qui l’accompagne nécessairement.
Qu’un objet reprenne une forme après déformation s’appelle élasticité. Qui rime par ailleurs avec plasticité, la cristallisation en objet de l’art ou l’air du temps. Comment vivrait l’artiste s’il se contentait d’invoquer un esprit impalpable, sans pondre d’objets audibles, visibles, sensibles ? L’art existe-t-il au-delà des objets dans lesquels il prétend se matérialiser ? Ce serait imaginer un sujet transcendant la substance de ses objets ? Une croyance, une foi, une religion ? L’artiste en intercesseur entre l’esprit de l’imaginaire et des objets supposés en témoigner. Dieu est mort, le sujet aussi. Restent le verbe et le complément. Dieu étant devenu verbe, ne reste que le complément. D’objet direct ou indirect, mais objet. Le sujet nettoyé de ses verbiages et autres effluves apparaît dans sa majesté d’objet.
Le sujet n’est donc résilient que dans la mesure où son objet est élastique. Le sujet étant l’abstraction pédante de son objet, résilience et élasticité sont synonymes. QED (= CQFD).
#MeTooIAmAnObject***
#balancetonsujet****
#balancetoncoquetier
* Pour rappel, l’essence du partage de la violence suppose une pluralité de dominations.
** Pour rappel, l’essence de la manifestation, c’est Michel Henry.
*** Première occurrence : Thalès de Milet.
**** Dernière occurrence : Collectif MANIFESTEMENT.
Nous calculons mathématiquement que :
Si A est objet ; si B est sujet ; si X est obsolescence ; si Y est vanité ;
Alors :
A = B – Y
B = A - X
ou
B - A = Y
A - B = X
A + Y= B
B + X = A
ou
√Y = B
√A = X
Nous écrivons poétiquement que :
Hommage à Mallarmé : Le sujet est un bon coup pourvu qu’il soit né sans jamais abolir son hasard.
Hommage à Valéry : L’objet est l’art d’empêcher la désuétude de désespérer ceux qui se regardent se regarder.
Nous observons physiquement que :
Tout sujet plongé dans un objet subit, de la part de celui-ci, une poussée de futilité exercée du soi vers l’autre, et égale, en intensité, au niveau d’utilité de l’objet ainsi honoré. Tout objet plongé dans un sujet subit, de la part de celui-ci, une poussée de vanité exercée de long en large et en travers, et égale, en intensité, au poids de l’ego du sujet ainsi violé.
Nous démontrons pataphysiquement que :
Personne n’ignore que, dans les détecteurs de particules (boson subjectif / fermion objectal), il y a, lors de la création d’une paire sujet / objet, une orientation subjective ou objectale de leur spin. Cependant, si on renverse la particule, l’orientation du spin change également et une particule subjective peut devenir objectale. A priori, si particules et antiparticules peuvent être distinguées lors de leur création par l’orientation de leur spin, elles perdent cette particularité si leur spin respectif peut s’inverser. On en déduit que le sujet est un objet qui a mal tourné.
Ces noms propres originellement communs
Binoche, Bouteille, Char, Clavier, Rivière, Pivot, Racine, Cresson, Dard, Moulin, Fontaine, Barre, Rameau, Masure, Dalle, Tesson, Buisson, Hachette, Carton, Malle, Bouquet, Fort, Villa, Marais, Cage, Piquet, Barrière, Jardin, Buffet, Tornade, Cellier, Masse… et Marguerite, Prune, Clémentine, Aube, Micheline, Aurore, Fleur, Avril, Pierre, Cerise, Vanille, Perle, Valériane, Lune, Pomme, Anémone, Mélancolie, Rose, Cyprine, Prune, Cannelle, Violette, Mirabelle, Julienne, Framboise, Olivier, Plastic, etc.
Ces noms communs originellement propres
un oscar, un judas, un zeppelin, un césar, un marcel, un ampère, un atlas, un bottin, un boycott, un baud, une kalachnikov, un kir, un faraday, un dédale, un clark, un colt, un baxter, un fiacre, un gauss, un pascal, un hertz, un joule, un newton, un axel, un louis, un ohm, un pascal, un volt, une madeleine, un watt, un godillot, un jacuzzi, une poubelle, un pantalon, un écho, une silhouette, un vernier, une charlotte, un (brillat-)savarin, un kelvin, un carter, un jéroboam, un mathusalem, un siegbahn, un salmanazar, un balthazar, un derrick, un nabuchodonosor, un lutz, un derby, un léotard, un henry, un gainsborough, un panama, un bolivar, un sievert, un pullman, un melchior, un savart, un sandow, un salchow, un quinquet, un moïse, un barnum, un coulomb, un panenka, un ramponeau, un stokes, un ternaux, un tesla, un sandwich, etc.
Tous ces mots expliquent pourquoi majuscule rime avec minuscule (et avec papier bulle, affabule et manipule).
Vivons futiles, soyons objets.
Putain on existait depuis toujours dans la Library of Babel.
Mais la manifestation attend encore sa performance. Il est temps, sacrebleu.
Comme quoi un objet peut tout, sauf se passer du sujet.
À boire et à manger
Si le sujet répugne à être réduit à l’état d’objet, c’est que tout sujet n’est jamais qu’un objet enrobé de subjectivité, dilué dans de la subjectivité, ou éparpillé dans de la subjectivité, comme on voudra. Édifiant point de départ. Encore plus intéressant, c’est par réduction, en cuisine, qu’on parvient à l’exaltation des saveurs, des couleurs, des textures et des arômes. Donc 1) répugner à la réduction est non seulement faire preuve d’aveuglement mais renoncer à mille et un plaisirs, et 2) l’objet est la substantifique moelle du sujet. Bon appétit !
VARIANTE : l’objet s’obtient par distillation du sujet. À votre bonne santé !
Cogito ergo inefficax sum
Pour Descartes, les animaux n’ont pas d’âme, car l’essence de la subjectivité leur est étrangère : ils sont pure mécanique.
En effet, Descartes écrit au Marquis de Newcastle, en 1646, en lui tenant ce langage : « Je sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m’en étonne pas, car cela même sert à prouver qu’elles agissent naturellement par ressorts ainsi qu’une horloge, laquelle montre bien mieux l’heure que notre jugement ne nous l’enseigne. »
Cette confession est riche d’une double proposition : d’une part, qu’être objet (comme l’animal-machine) permet de faire « mieux » les choses et, d’autre part, qu’il s’agit d’un caractère naturel aux êtres.
Par ailleurs, le mouvement philosophique cartésien revient, par le cogito, à faire de la subjectivité la seule certitude ontologique sur laquelle bâtir une pensée tout en ne l’établissant que comme étape nécessaire au retour vers les objets : bien connaître les objets suppose d’avoir une certitude subjective « compétente » : en d’autres mots, il s’agit de conjurer la faiblesse intrinsèque du sujet de manière à le rendre digne de la compétence naturellement meilleure des objets (instrument de mesure, animaux-machine).
Alors, le sujet a comme horizon supérieur, comme conjuration de sa nature versatile, comme méthode de son être-au-monde, cette idée : c’est en se portant au niveau objectal que le subjectif n’est plus une tare inefficace. Quand il s’agit d’éclairer son jugement, le sujet serait bien inspiré de se faire objet.
N’en faisons pas toute une Montaigne !
La seule manière de devenir sujet est de se prendre comme objet d’étude (ou quelque chose dans ce style).
Être sujet, c’est être perceptif
Or les robots bardés de capteurs sensoriels sont plus perceptifs que le plus délicat sujet, sans parler de l’odorat des chiens et des rats.
Or, si l’on ne sait pas vraiment dans quelle mesure les chiens et les rats sont des objets, les robots le sont sans conteste.
Donc être sujet n’est pas être perceptif.
Être sujet, c’est penser par soi-même
Or tout ce qui est pensable a toujours déjà été énoncé par un objet.
Donc la proposition « Je pense par moi-même » est fausse.
Donc un sujet n’est pas ce qui pense par soi-même.
Être sujet, c’est imaginer
Or imaginer renvoie à se-projeter-dans-l’image, image vient d’imago, et imago remonte, via ekmageîon et masso, jusqu’à macerare, « amollir, affaiblir, miner l’esprit ».
Donc, imaginer est la mort de l’esprit.
Or le sujet n’est pas être-pour-la-mort (voir infra).
Donc être sujet n’est pas imaginer.
Être sujet, c’est vouloir
Or faire du sujet un acte de volonté, c’est croire dans sa toute puissance.
Or certains hommes et néanmoins sujets sont impuissants, même au sein du Collectif MANIFESTEMENT.
Donc il ne suffit pas de vouloir pour être sujet.
Être sujet, c’est douter
Or « Je doute » = « Je ne suis pas sûr » et « Je m’en doute » = « En fait, pour le coup, je suis plutôt sûr ».
Donc douter mène à tout et à son contraire.
Or tout et son contraire est indigne d’un sujet qui se respecte.
Or au moins un sujet se respecte : moi.
Donc être sujet n’est pas douter.
Être sujet, c’est désirer
Or Freud est finalement mort.
Donc être sujet n’est pas désirer.
Être sujet, c’est être produit comme sujet
Or être produit définit tout objet (même pour Michel Foucault) et le sujet doit être distingué de l’objet.
Donc être sujet n’est pas être produit comme sujet.
Être sujet, c’est être réprimé
Or cette assertion est deleuzienne, Deleuze commence par « d », d est la 4e lettre de l’alphabet, r est la 18e, le mot réprimé fait 7 lettres, 18 + 7 – 4 = 21, jamais deux sans trois, et 21/3 = 7.
Donc on peut remplacer sans crainte le « r » de réprimé par un « d ».
Or les sujets sous antidépresseur ne sont plus déprimés.
Donc être sujet n’est pas être déprimé, oups, sorry, ce n’est pas être réprimé.
Être sujet, c’est créer
Or créer se fait ex-nihilo et/ou ex-materia, c’est-à-dire avant que la création ne soit effective.
Donc le sujet préexiste à la création.
Donc être sujet n’est pas créer.
Être sujet, c’est aimer
Or qui m’aime me suit et inversement.
Donc je suis celui qui m’aime.
Donc je m’aime et je me suis.
Or le verbe être n’est pas pronominal.
Donc être sujet n’est pas aimer.
Être sujet, c’est exister
Or exister signifie étymologiquement « être stable » ou « tenir debout ».
Or toute l’histoire de la philosophie et le présent exercice témoignent de ce qu’aucune définition du sujet ne tiendra jamais longtemps debout.
Donc définir le sujet comme existant, c’est comme regarder la lune quand on vous montre le bout du doigt.
Donc être sujet n’est pas exister.
Être sujet, c’est souffrir
Or, surtout à l’extrémité du plaisir, d’aucuns disent : « Souffrez que je me retire ».
Donc il existe une souffrance qui consiste, pour le sujet, à se retirer.
Donc souffrir peut impliquer de retirer le sujet.
Donc souffrir n’est pas le sujet.
Être sujet, c’est dire « Et moi, et moi, et moi ! »
Or Jacques Dutronc n’a « jamais lu Fichte » (Paris Match, 8 septembre 1971 – en couverture), Johann Gottlieb Fichte est le pape de l’idéalisme allemand, Jacques Dutronc « ne parle pas allemand » (Cosmopolitan, 22 août 1997, p. 12) et le moi est le concept central de l’idéalisme allemand.
Donc être sujet n’est pas dire « Et moi, et moi, et moi ! »
Être sujet, c’est ne-pas-être-un-animal
Or « le sujet humain est un animal politique » (Aristote).
Donc être sujet n’est pas ne-pas-être-un-animal.
Être sujet, c’est être en projet
Or, dès lors qu’il se projette comme tel, le sujet devient toujours l’objet du projet.
Donc le sujet, en tant que sujet-se-projettant, est toujours éjecté du projet, en tant que sujet-en-projet.
Donc, dans le cadre d’un projet, le sujet est toujours ce qu’on jette.
Donc être sujet n’est pas être en projet.
Être sujet, c’est croire qu’on l’est
Or c’est celui qui le dit qui l’est.
Donc celui qui ne l’a pas dit ne l’est pas.
Or si tout le monde l’avait dit, on n’en serait pas là.
Donc être sujet n’est pas croire qu’on l’est.
Être sujet, c’est savoir qu’on va mourir
Or certains animaux savent qu’ils vont mourir et la plupart des jeunes se croient immortels.
Donc la proposition « Être sujet, c’est savoir qu’on va mourir » n’est ni nécessaire, ni suffisante.
Donc l’être-pour-la-mort n’est pas le fin mot du sujet.
Être sujet, c’est avoir une histoire
Or Les gens heureux n’ont pas d’histoire.
Or il y a au moins un sujet heureux, fût-ce sans le savoir : vous.
Donc être sujet n’est pas avoir une histoire.
Être sujet, c’est essayer de définir ce qu’est « être sujet »
Or, suivant le principe de non-contradiction, un ensemble contenant A (être sujet) et non-A (ne pas être sujet) est impossible et quelque chose qui ne sait pas ce qu’il est ne peut pas savoir ce qu’il n’est pas.
Or être sujet (A) en essayant de définir ce qu’est A implique de savoir non-A.
Donc il est impossible de définir ce qu’est le sujet.
Donc être sujet n’est pas essayer de définir ce qu’est « être sujet »…
… sauf à postuler que « être sujet » n’est pas « être sujet ». Être objet, par exemple... ? Pourquoi pas… ?
CONCLUSION
Le sujet, c’est ce qui ne tient pas la route. Et l’objet ? Ce qui adhère (surtout produit par Good Year… ou Michelin ?)
Quelqu’un pour réaliser le même exercice avec Être objet, c’est... ? Écrire à contact@manifestement.be.
Dis-moi qui tu cibles, je te dirai ce que tu essaies de dire. Et notre public cible est les féministes tristes, les néo-libéraux heureux, les victimes syndicalisées, les subalternes professionnels, les migrants droitdelhommistes, les narcissiques psychorigides, les inféodés fidèles, les patriotes dévots, les commerçants précieux, les êtres aristocratiques, les véganes dépressives, les commémorants radotants, les putes scrupuleuses, les parvenus hypertrophiés, les artistes permanents, les SDF offensés, les génies incompris (ou incompréhensibles), les pro-life déchaînés, les misanthropes suffisants, les bien-êtrophiles égocentrés (pléonasme), les enfants rois, les nouveaux riches, les puristes inconscients, les athées intégristes, les indignés indignés et autres sujets convaincus.
Dress code pour la manif : venez tou.te.s en homm.e.s-statues
ou en f.e.mm.e.s-statues
Extrait de Philippe Kempeneers, « La pornographie n’est pas dangereuse en soi », Le Soir, 17.2.2016
L’être-sujet et le mettre-entre-parenthèses
Faire preuve d’agilité, de maniabilité, de compressibilité, de détente, d’élastance, de fluctuation, de vacillation, de fluidité, de dissociation, d’indifférence, de déconnection, de plurivocité, d’extensibilité, de flexibilité, de mollesse, de ressort, de souplesse, d’abnégation, de tonicité, d’impactabilité, de déconcertement, de tonus, de ductilité, d’insouciance, de désaffection, de flegme, de polyvalence, de malléabilité, d’instrumentalisabilité, de plasticité, d’adaptabilité, de détachement, de schize, de versatilité, d’inconstance, de modularité, de variabilité, c’est ça être « sujet ».
Restons courtois : la femme est bien l'objet de l'amour, même le plus fin
Le fin'amor, ou amour courtois, est un jeu masculin, éducatif, où les jeunes hommes, pas encore mariés, maîtrisent leurs pulsions et leurs sentiments, comme ils apprennent à maîtriser leur corps dans un tournoi (ce qui n’exclut pas qu’ils laissent libre cours à leur libido avec des femmes de rang inférieur). De plus, la femme est considérée comme une proie ; celle qui est la cible de l’amour courtois des jeunes est souvent l’épouse du suzerain, qui la donne en enjeu. Les jeunes cherchent à séduire la dame pour mieux plaire à leur seigneur, mais aussi pour mieux se différencier du peuple vulgaire, et des bourgeois, qui peuvent les concurrencer financièrement, mais pas culturellement. Dans l'amour courtois, la femme est donc un simple moyen pour le chevalier de s'initier au pouvoir, dont elle est d'autant plus exclue : Elle est l'objet d'une idéalisation où elle ne vaut que pour son rang social, son inaccessibilité, et de préférence sa beauté. En outre, elle se doit d'être absolument passive dans ce rituel codifié.
Gilles Deleuze et Félix Guattari, Anti-Œdipe, Paris, Minuit, 1972, pp.24, 34, 35 et passim.
Mélucher, verbe intr., 2017, se dédoubler opportunément à 99 % en une forme objectale et à 1 % en sujet-comme-reste.
La preuve par la langue (française)
faire partie des meubles, finir en compote, être beau comme un camion, un numéro, un pilier de comptoir, un puits sans fond, le clou du spectacle, un légume, un cageot (hommage à Francis Ponge), une tombe, une pourriture, une cruche, une potiche, un poison, une éponge à problèmes, un garage à bites, une loque d’hôpital, un marteau sans manche, une pince de dentiste, une chaussette trouée, une raclette à crottes, le verrou de la cage, un sac de courses, un joint de culasse, la clé de purge, un broyeur à merde, la selle du vélo…
L'arrêt Bosman, qui libérait les joueurs en fin de contrat de tout lien avec leur club d'appartenance, et leur permettait d'être partie prenante dans les négociations interclub au moment de leur "rachat", leur a permis d'être autre chose, davantage, qu'un investissement à long terme du club qui les avait élevé au grain et en prairie pour en faire ces beaux athlètes monnayables: des personnes libres, à l'issue du contrat qui les liait à leur éleveur, de disposer d'elles-mêmes, cet arrêt aura conduit le joueur éponyme dans les files des centres publics d'aide sociale. Messi et Ronaldo, ingrats, le remercient sans le rémunérer.
De l’homme au robot : où commence / finit le problème ?
La bonne nouvelle
Un contrat consiste à générer un accord de volonté, seul ou à plusieurs parties, en vue de créer une ou des obligations.
Le contrat, par la logique des obligations, institue les parties comme des sujets autonomes.
Ce qui définit l’objet, c’est son employabilité.
Or, l’employabilité des sujets conditionne les contrats d’employés, devenant alors objets employables.
Donc, la subjectivité est un contrat comme un autre.
Or, tout contrat est résiliable.
Donc la subjectivité est une variable d’ajustement.
Hommage à Pistorius (et dommage pour sa femme)
Hymne
JE ME SUIS FAIT TOUT CHOSE (sur l’air bien connu de Je me suis fait tout petit de Georges Brassens)
Je n’avais jamais été le jouet
D’une personne,
Maintenant je rampe et n’ai plus d’ regret :
Qu’est-ce qu’on s’bidonne !
J’étais bien-pensant, tout infatué
D’mon gros ego.
Jusque-là j’souffrais, j’avais ma fierté :
Quel ostrogoth !
Je me suis fait futile dev’nant un objet,
Qui ferm’ les yeux quand on en use,
Je m’ suis fait utile devant un sujet
Qui me rend grâce quand j’ le récuse.
J’étais intraitable sur mes vains ergots,
Tout con, tout p’tit,
Et je suis tombé, si bas, puis si haut,
Contre la vie,
Qui a des tours contre les mille maux
Des âmes pures,
Et des coups de poing quand j’fais le beau
Et l’immature.
Je me suis fait futile dev’nant un objet,
Qui ferm’ les yeux quand on en use,
Je m’ suis fait utile devant un sujet
Qui me rend grâce quand j’ le récuse.
Je préfère au cuir un soi perverti
(Nul ne m’y pousse)
Et je suis comblé de m’sentir sali :
J’ai pas la frousse !
Ah je jouis de n’ pas m’ faire de bile
Quand on me paye,
Moins assujetti au sujet débile :
Quelle merveille !
Je me suis fait futile dev’nant un objet,
Qui ferm’ les yeux quand on en use,
Je m’ suis fait utile devant un sujet
Qui me rend grâce quand j’ le récuse.
Devoir choisir entre ça et soi,
Y a rien de pire
C’est en oscillant que j’suis vraiment droit :
Nouveau plaisir !
Tous les monotypes, tous les univoques
Souffrent à l’envi.
To be or not to be, on le révoque
To be ET not not be !
Je me suis fait futile dev’nant un objet,
Qui ferm’ les yeux quand on en use,
Je m’ suis fait utile devant un sujet
Qui me rend grâce quand j’ le récuse.
SLOGANS
Je est un autre.
L’autre absolu, c’est l’objet.
Donc je est un objet.