Jean-Luc Nancy (1940 - ----)
philosophe français

Extrait de Vérité de la démocratie, Paris, Galilée, 2008, pp. 59-60 :

       « La vérité de la démocratie est celle-ci : elle n’est pas qu’une forme politique parmi d’autres, à la différence de ce qu’elle fut pour les Anciens. Elle n’est pas forme politique du tout, ou bien, et à tout le moins, n’est-elle pas d’abord une forme politique. C’est pourquoi on peine tant à lui chercher sa juste ou bonne détermination, et c’est aussi pourquoi elle peut se montrer homogène et conforme à la domination des calculs de l’équivalence générale et de son appropriation (nommée ‘capitalisme’).
Dans son inauguration moderne, la démocratie s’est voulue refondation intégrale de la chose politique. Qui veut fonder descend d’abord plus profond que la fondation même.
       La démocratie (ré)engendre l’homme, Rousseau le déclare. Elle ouvre à nouveaux frais la destination de l’homme et du monde avec lui. La ‘politique’ ne peut plus donner la mesure ni le lieu de cette destination ou destinerrance (Derrida). Elle doit en permettre la mise en jeu et en assurer les lieux multiples, mais elle ne l’assume pas.
       La politique démocratique est donc politique en retrait d’assomption (…). »
   

D'où se déduit le slogan suivant :

Déjà historiquement révolue,
la démocratie se ravale indéfiniment la façade !

Extrait de "Démocratie finie et infinie" in Démocratie, dans quel état? (collectif), La Fabrique, 2009, p. 77 :

      « Y a-t-il un sens à se dire « démocrate » ? Il est manifeste qu’on peut et qu’on doit tout autant répondre : « non, plus le moindre sens, puisqu’il n’est plus possible de se dire autre chose » – que : « oui, bien sûr, puisque partout sont menacées l’égalité, la justice et la liberté – par les ploutocraties, par les technocraties, par les mafiocraties ». « Démocratie » est devenu un cas exemplaire d’insignifiance : à force de représenter le tout de la politique vertueuse et l’unique façon d’assurer le bien commun, le mot a fini par résorber et par dissoudre tout caractère problématique, toute possibilité d’interrogation
ou de mise en question. Subsistent tout juste quelques discussions marginales sur des différences entre divers systèmes ou diverses sensibilités démocratiques. « Démocratie » veut en somme tout dire – politique, éthique, droit, civilisation – et ne veut donc rien dire. Cette insignifiance doit être prise très au sérieux, et c’est d’ailleurs ce que fait le travail contemporain de la pensée, comme en témoigne la présente «enquête»: on ne se contente plus de laisser flotter les intermittences du sens commun. On exige de faire comparaître l’insignifiance démocratique devant le tribunal de la raison. »

D'où se déduit le slogan suivant :

À force d'être tout, la démocratie,
c'est surtout n'importe quoi !


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