Barbara Cassin (1947- ---)
philologue et philosophe française

Extrait de l'émission "Répliques" sur France Culture du 17 mars 2007 :

« Alain Finkielkraut : (…) L’articulation de la démocratie et des nouvelles technologies me paraît très inquiétante parce quelle est un fait irrésistible…
Barbara Cassin : Ce qui me rassure dans ce que vous dites, c’est que ce type de démocratie sur le Net, c’est d’un ennui profond. Moi, je ne peux pas lire les blogs, ça m’ennuie “passionnément”! Je ne peux pas lire les discussions qui s’en suivent… Du nul plus du nul plus du nul, cela n’a jamais fait que du nul! Aucune crainte à avoir. Autrement dit, pour moi la démocratie ne fonctionne pas sans paideia, c’est-à-dire sans éducation/culture/formation. On ne peut pas simplement dire: “voilà c’est moi que v’là”, et puis cracher un peu de soupe, cela n’a aucun intérêt c’est tout! Et puis les gens se fatigueront, et on est même tous déjà fatigués… Les blogs prolifèrent et ce n’est pas grave, car ça prolifère dans quoi? Dans un espace qui n’existe pas pour changer quelque chose… Il y aura une sorte de correction naturelle et elle existe déjà, je crois. Si j’ai écrit Google-moi, La Deuxième mission de l’Amérique [Albin Michel, 2007], c’est pour attirer l’attention sur le fait que quand Google se pose en champion de la démocratie culturelle, il faut bien entendre que c’est une démocratie sans démocratie et une culture sans culture.
Alain Finkielkraut : (…) Il y a comme une volonté de reconnaissance de tous par tous, comme une projection du concept d’égale dignité de chacun sur le domaine de l’art et qui ne peut se faire qu’au détriment de l’art, parce que l’art enfin, ce n’est pas l’égale dignité de toutes les œuvres! Bien sûr que tous les individus sont également dignes de faire un blog, mais une œuvre ce n’est pas un blog, vous l’avez dit…
Barbara Cassin : Et même pas dignes de faire un “bon blog”!
Alain Finkielkraut : Oui, parce qu’on joue sur un autre registre, un registre visiblement de plus en plus difficile à entendre étant donné cette “hyperdémocratisation” des réflexes… »

 

D'où se déduit le slogan suivant :

La démocratie
n’est pas une garantie de
démocratie !

Retour vers le haut de la page